PLAFONNEMENT DES LOYERS ET CAUTIONS, POURQUOI LE CHOIX DE SANCTIONNER SUR LE PLAN FISCAL ? (Côte d'Ivoire)

23/01/2018

Dans le cadre de la lutte contre la cherté de la vie, le Gouvernement ivoirien a adopté en conseil des ministres, le mercredi 12 juillet 2017, un projet de loi relatif au bail à usage d'habitation. Ce projet avait longtemps été envisagé. Une chose est de proposer un projet, une autre est de faire respecter cette future loi. Une question très intéressante pour les juristes.

En effet l'on ne voyait pas comment l'Etat pouvait s'ingérer dans les affaires privées des cocontractants (locataires et propriétaires) dans le but de leur imposer une limite quant au somme perçue au titre d' avances sur les loyers et de dépôt de garantie (caution pour les profanes), tous deux plafonnés à 2 mois.

L' article 1134 du code civil (Ivoirien) stipule : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Il s'agissait donc pour l'Etat de remettre en cause le principe du consensualisme avec ses effets dont la force obligatoire (les parties sont tenues au contrat)  ainsi que l'effet relatif du contrat (un contrat ne produit pas d'obligations envers les tiers). Dès lors, l'Etat ne peut donc, s'immiscer dans les relations entre individus dans le but de fixer des modalités du contenu de leur convention. Toutefois il faut relativiser ces propos car n'oublions pas que l'Etat dispose d'un droit exorbitant de droit commun et par conséquent peut intervenir dans pratiquement tous les domaines (motif d’intérêt général) à travers son pouvoir réglementaire ou législative par le biais d'une ordonnance (une ordonnance est une mesure prise par le gouvernement dans des matières relevant normalement du domaine de la loi. Elle relève de la procédure législative déléguée) ou par le biais de projet de loi déposé à l'assemblée nationale afin que cette institution puisse légiférer sur la question.

Par conséquent, l'Etat à donc la légitimité nécessaire en vue de poser des règles s'il le juge nécessaire. C'est dans cette optique que le Porte-parole du Gouvernement, Bruno Koné lors de son point de presse, le mercredi 12 juillet 2017 à la sortie du conseil des ministres a affirmé que : « Ce dispositif a pour objectif de réguler au mieux les rapports entre le bailleur et le locataire, d'encadrer durablement les coûts des loyers et de simplifier la location et surtout de rééquilibrer les prix de location des logements ».

Ce plafonnement des avances de loyers ainsi que celui du dépôt de garantie est appliqué ailleurs notamment en France.

Dans ce pays Européen, pour une location nue, ce montant est limité à 1 mois de loyer hors charges ; en location meublée, il est limité à deux mois de loyer hors charges depuis la loi Alur du 24 mars 2014 (article 21). La cote d'ivoire s'inscrit donc dans cette même dynamique.

Le problème qui nous intéresse est de savoir, quelle sera la contrainte efficace qui accompagnera cette réforme ?

 Le gouvernement aurait donc décidé de sanctionner les contrevenants en les exposant à une sanction fiscale, en vertu donc de l'article 37 de l'annexe fiscale 2018.

Il est créé dans le Code général des Impôts, un article 1143 sous un titre vingt-troisième, rédigé comme suit : « Titre vingt-troisième Taxe sur les excédents des montants des cautions et avances sur loyer autorisés Article 1143 : 1° Il est institué une taxe dite taxe sur l'excédent des sommes perçues par les propriétaires d'immeubles donnés en location. 2° Cette taxe au taux de 20 %, est assise sur l'excédent des sommes stipulées au-delà de deux mois de caution et de deux mois d'avance sur loyer. 3° La taxe est collectée par le receveur des Impôts fonciers du lieu de situation de l'immeuble. 4° Elle constitue un acompte déductible de la base de l'impôt général sur le revenu des propriétaires d'immeubles concernés. »

Concernant l'imposition du surplus sur les avances de loyer,  aucun problème ne se pose réellement vu qu'il s'agit en vrai d'un revenu imposable.

Ce qui est problématique est qu'en principe, le dépôt de garantie n'est pas imposable au moment où il est versé par le locataire, on a donc pas logiquement à le déclarer dans les revenus fonciers de l'année ou on l'a encaissé. En revanche, si l'on conserve en partie ou en totalité le dépôt de garantie au départ du locataire pour compenser des loyers impayés ou des réparations locatives, il est alors considéré comme un revenu et imposable dans les revenus fonciers.

Comment des lors peut-on ou doit-on imposer un dépôt de garantie qui en vrai n'appartient pas au propriétaire vu qu'il à l'obligation de le restituer à la fin du bail ?  

le dépôt de garantie (La caution) est considéré donc comme un revenu imposable désormais. A ce titre il est donc soumis à une déclaration à compté de l'entrée en vigueur de l'annexe fiscale 2018. En effet tout dépôt de garantie respectant le plafond sera donc exonéré de l'imposition à 20% contrairement au surplus qui sera donc taxable.

la taxation du dépôt de garantie n'est pas anodine car si l'on avait fixé la taxe (20%) uniquement sur le surplus des avances sur loyer, les propriétaires auraient trouvé la passerelle adéquate (Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus) en compensant cette limite à une demande plus excessive de la somme constituant le dépôt de garantie (la caution). La future loi aurait dès lors aucun impact réel sur les objectifs poursuivis par le gouvernement avant même de naître.

Pourquoi ne laisse t-on pas la future loi prévoir elle même sa sanction ?.

En effet si cette loi prévoyait une sanction civile ou administrative (voie réglementaire) en prescrivant une amende, Celle ci serait difficile à mettre en oeuvre car pour l'application de cette amende, il aurait fallu que la victime, le locataire ou futur locataire saisisse le juge ou l'administration pour faire appliquer cette amende (civile ou administrative). Cela aurait nécessairement eu un impact dans les relations entre les propriétaires et locataires, ou encore créer des procédures qui peuvent s'avérer coûteuses ou sans intérêt réel pour le locataire. Cette amende serait donc difficile à mettre en oeuvre. On aurait donc une loi inefficace voir inapplicable. Raison donc pour laquelle l'Etat à donc opter pour une sanction qui se veut fiscale afin de renforcer l'efficacité et le contrôle de cette mesure. il s'agirait donc à notre avis du seul fondement qui justifie l'imposition du dépôt de garantie (efficacité de la loi et intérêt général).

Toutefois qu'elle soit civile, administrative ou fiscale, cette amende aura vraiment du mal à décourager les propriétaires. Il faut plus de communication et de négociation entre l'Etat et les syndicats de propriétaires afin de trouver une solution durable au problème du logement des ivoiriens.

VINCENT DE PAUL ADAI.

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