LA TECHNOLOGIE BLOKCHAIN A L’EPREUVE DU DROIT

01/02/2021

LA TECHNOLOGIE BLOKCHAIN A L'EPREUVE DU DROIT

Les institutions financières françaises ainsi que les juristes s'intéressent déjà depuis plusieurs années à la technologie décentralisée des chaînes de blocs ou blockchains. Définition du DLT et de la blockchain[1] : « La chaîne de blocs ou blockchain est un registre distribué. Il est courant de parler de DLT comme synonyme de blockchain. La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d'informations, transparente et sécurisée grâce à un mécanisme de consensus de résolution entre les participants associé à des processus de cryptographie. Par extension, une blockchain permet de constituer une base de données sous la forme d'un registre, en finance un livre de comptes, distribué entre toutes les adresses du réseau et permettant de retracer de façon immuable et transparente toutes les opérations effectuées. Elle est constituée d'une succession de blocs contenant chacun des informations sur les transactions effectuées entre deux ou plusieurs participants. Chaque transaction est vérifiée par des algorithmes avant d'être validée et enregistrée dans un nouveau bloc qui s'ajoute à la chaine. Les informations inscrites ne peuvent pas être altérées, car la traçabilité des informations est garantie par la constitution de la blockchain. En effet, chaque bloc garde une trace de la transaction précédente et se lie au bloc suivant en respectant l'ordre chronologique. Les transactions enregistrées sur une blockchain correspondent généralement à des changements d'état (changement de valeur d'un compte, transfert d'un actif financier matériel ou immatériel d'un acteur à un autre, etc.) ainsi que des horodatages d'évènements ou de documents »[2].

ASPECT PRATIQUE : « Les participants vont donc construire une chaîne de blocs où chaque bloc est lié par l'inclusion de son condensat ou hash (résumé cryptographique) dans le bloc suivant. Ainsi toute modification impacte l'ensemble des blocs suivants et l'immuabilité d'une transaction s'accroît avec les ajouts successifs de blocs ultérieurs. Les identités des émetteurs et récepteurs d'une transaction sont identifiées par une clé publique, la clé privée restant sous le seul contrôle de l'utilisateur. Le montant de la transaction est enregistré et en clair pour être lisible par tous. Ces données permettent de s'assurer de la propriété antérieure du montant de la transaction par l'émetteur (et donc l'interdiction de sa double dépense) grâce à l'ensemble des mineurs, les validateurs volontaires du réseau »[3].

La révolution qui est en marche a commencé lorsque les programmeurs ont imaginé utiliser la technologie Blockchain, non plus uniquement comme outil de gestion décentralisée du Bitcoin[4], mais comme outil global et décentralisé de gestion pour des applications de la vie courante[5].

La blockchain combine trois technologies relativement anciennes à l'échelle d'internet : la cryptologie, les bases de données et le pair à pair (peer-to-peer).

Les systèmes construits sur une blockchain s'appuient sur cinq sous-ensembles de technologies aux propriétés très différentes. Leurs interactions doivent être finement analysées pour juger du niveau de sûreté, de gouvernance et de pérennité d'un système[6] :

Des technologies «dures» de cryptographie : signatures électroniques, condensat ou hash, chiffrage asymétrique, appuyées par des règles formelles de construction du consensus entre les systèmes distribués;

Des technologies des sciences sociales et économiques : théorie des jeux, mécanismes d'incitation, comportement de la communauté/multitude, motivations et objectifs réels des participants au consensus;

Des technologies de programmation basées sur de nouveaux langages permettant de construire des modules opérant sur ces chaînes avec les forces (traitements automatisés, infalsifiables) et faiblesses usuelles (bogues, hacks facilités par la nouveauté de ces technologies, difficultés d'adéquation avec des spécifications non totalement formalisées);

Des interfaces pour intégrer une blockchain dans l'environnement du système d'information usuel, généralement basé sur des technologies classiques en développant des interfaces homme-machine et d'entrées/sorties des informations;

Des concepts plus avancés de cryptographie ou de consensus complémentaires des blockchains, par exemple la «Preuve sans divulgation» ou «Zero Knowledge Proof », qui permet de prouver qu'une proposition est vraie sans dévoiler toutes les informations contributives à cette preuve. Les caractéristiques globales du système (sécurité, résilience, puissance de traitement, etc.) doivent s'évaluer sur l'ensemble des composantes et pas uniquement sur les caractéristiques de la seule blockchain placée au cœur de l'ensemble.

Nous avons des les blockchains publiques, parmi lesquelles Bitcoin et Ethereum, offrent à chacun la liberté de s'intégrer dans le réseau sans aucune restriction d'accès ; Il y a ensuite la technologie Blockchain que l'on pourrait qualifier de « contrôlée ». Contrôlée car le processus de validation est contrôlé par un nombre restreint de personnes. L'accès peut quant à lui être public ou bien uniquement réservé à des participants[7] ; Enfin l'on a les blockchains privées offrent la possibilité de mettre en place et de gérer des restrictions d'accès à des participants déterminés et d'organiser une gouvernance spécifique contrôlée par une entité centralisée dans le réseau. Il n'existe aucun mécanisme de consensus et les règles de fonctionnement sont spécifiques aux accords passés entre les membres participants (différents niveaux d'autorisation sont possibles : accès en lecture seule, en écriture).

si aucun texte juridique ne mentionne spécifiquement la blockchain, Il n'en résulte pour autant aucun vide juridique :

  • l'ordonnance du 28 avril 2016 (Ord. n° 2016-520, 28 avr. 2016 : Defrénois flash 23 mai 2016, n° 134g1, p. 5) relative aux bons de caisse dispose, dans son article 2, la possibilité d'inscrire l'émission et la cession de minibons dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant l'authentification de ces opérations.
  • l'ordonnance du 8 décembre 2017 (Ord. n° 2017-1674, 8 déc. 2017 : BJB janv. 2018, n° 117h2) relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers ;
  • le décret du 24 décembre 2018 (D. n° 2018-1226, 24 déc. 2019 : Defrénois flash 28 janv. 2019, n° 148z7, p. 9) relatif à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers et pour l'émission et la cession de minibons ;
  • la loi PACTE (L. n° 2019-486, 22 mai 2019 : Defrénois flash 27 mai 2019, n° 150s7, p. 1).
  • Force probante de la blokchain, le Code civil pose un principe de non-discrimination de l'écrit électronique par rapport à un écrit sur support papier (C. civ., art. 1366), dès lors que peut être identifiée la personne dont cet écrit émane et que celui-ci est établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. La preuve des obligations est également libre entre commerçants en application de l'article L. 110-3 du Code de commerce. Par conséquent, les preuves issues des chaînes de blocs peuvent aujourd'hui être légalement produites en justice. Il appartient au juge d'évaluer leur valeur probante, sans que celui-ci ne puisse les écarter au seul motif qu'elles existent sous forme numérique. Dans les cas où une preuve par écrit est imposée, la technologie blockchain peut répondre à certaines des exigences réglementaires posées en la matière. Le règlement européen n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, dit règlement eIDAS[8].

L'utilisation de la Blokchain suscite depuis quelques années un intérêt croissant et de nombreux acteurs privés comme publics expérimentent cette technologie pour apprécier ses apports notamment en matière de création d'actifs, de certification, d'horodatage et de création de contrats à exécution automatique (smart contracts) en raison de plusieurs avantages en favorisant un grand nombre de participants, un caractère immuable de la blockchain (fiabilité et sécurité), et la suppression de l'intermédiation. Cet intérêt sera porté également sur le droit des contrats avec notamment les « smart contracts ».

Les smart contracts, ou contrats intelligents, sont des programmes informatiques irrévocables, le plus souvent déployés sur une blockchain (publique), qui exécutent un ensemble d'instructions prédéfinies. « L'idée maîtresse derrière ce concept de smart contracts est de garantir la force obligatoire des contrats non plus par le droit, mais directement par le code informatique : "code is law", pour reprendre la célèbre formule de Lawrence Lessig »[9]. L'économie des smart contracts est encore embryonnaire mais semble promise à un très bel avenir. De nombreuses applications décentralisées dans les secteurs de la santé, l'assurance, ou encore les chaînes d'approvisionnement (pharmaceutiques, agro-alimentaires, cosmétiques, etc.) sont actuellement en cours de développement.

« Le smart contract propose en quelque sorte un équivalent informatique du contrat papier. Durant l'exécution du smart contract, toutes les étapes de validation sont enregistrées dans la blockchain utilisée (le plus souvent Ethereum), ce procédé permet de sécuriser l'ensemble des données en empêchant leur modification ou leur suppression a posteriori. Nous en avons plusieurs à savoir[10] :

  • Ethereum, qui comprend déjà un grand nombre d'applications décentralisées programmées via contrats intelligents.
  • Mais d'autres protocoles prometteurs, tels EOS, Tezos, ou encore Cosmos rendent également possible la programmation de smart contracts.
  • La blockchain Cardano, en cours de développement, prévoit également cette possibilité, en garantissant un niveau de sécurité adapté aux systèmes les plus critiques.

Pour l'instant, les smarts contracts les plus éprouvés sont programmés sur Ethereum et sont listés sur StateoftheDapps. On en retrouve plusieurs types selon les secteurs d'activité :

  • Echanges monétaires décentralisés : 0x, OmiseGo, MakerDAO
  • Jeux sur Blockchain : Cryptokitties, My Crypto Heroes, Etheremon
  • Gambling : FCK, Playtowin, FunFair
  • Cloud décentralisé : Storj, iEx.ec
  • Plateformes de marchés prédictifs : Augur, Gnosis

En pratique, l'immense majorité des smart contracts servent pour automatiser des échanges de valeur sous forme de cryptoactifs. Toutes les écritures comptables relatives à ces échanges de valeurs numériques sont systématiquement inscrites dans la blockchain. De la sorte tous les transferts d'actifs, sont à la fois publics, prévisibles et irrévocables. N'importe qui peut vérifier sur la blockchain la bonne exécution du smart contract et déterminer à qui l'actif. Les smart contracts garantissent donc un ensemble extrêmement chargé de conditions d'exécution, qui ne laissent normalement pas de place au doute ou à la confusion. Les conditions sont très clairement fixées et l'interprétation du code est sans équivoque, contrairement à l'interprétation humaine, qui laisse toujours place à la négociation ou à la découverte d'un vide juridique. Les contrats intelligents sont pour la plupart standardisés, tout comme les contrats papiers, pour lesquels nous avons la possibilité d'utiliser des templates. Le standard de smart contract le plus connu est connu sous le nom de ERC-20, et a pour fonction principale de permettre la création de tokens (actifs numériques, cryptomonnaies) sur le réseau Ethereum »[11].

Toutefois, « rien ne permet de s'assurer de la véracité d'un élément inséré dans une blockchain : seule la date de l'insertion et l'identité du document produit par rapport à la trace conservée dans la blockchain sont garanties par ce procédé. cette technologie ne peut être assimilée à un acte authentique, en ce que l'officier ministériel participe à l'élaboration de l'acte authentique, garantissant dans une certaine mesure sa validité, son absence de contrariété à l'ordre public ainsi qu'aux droits des tiers, ce qui n'est absolument pas assuré par les blockchains »[12]. Quelque soit son niveau de sécurité, il n'empêche que le tiers de confiance ne saurait en tout cas à court terme être écarté s'agissant de l'utilisation de la blokchain comme instrument de réalisation des transactions économiques ou de mise en œuvre de certains types de contrats.


[1] Un DLT (en anglais Distributed Ledger Technology/technologie de registre distribué) est un registre synchronisé simultanément sur un réseau de participants en pair à pair sans administrateur central.

[2] Livre Blanc IA et Technologies Quantiques / FINANCE-INNOVATION

[3] Ibid.

[4] Le Bitcoin (₿, BTC, XBT) (de l'anglais bit : unité d'information binaire et coin « pièce de monnaie ») est une cryptomonnaie autrement appelée monnaie cryptographique. Dans le cas de la dénomination unitaire, on l'écrit « bitcoin » et, dans le cas du système de paiement pair-à-pair on l'écrit « Bitcoin ».

[5] La révolution Blockchain - Sébastien Drillon - RTD com. 2016. 893

[6] Livre Blanc IA et Technologies Quantiques / FINANCE-INNOVATION

[7] La révolution Blockchain - Sébastien Drillon - RTD com. 2016. 893

[8] Ibid.

[9] https://bitconseil.fr/smart-contract-contrat-intelligent/

[10] ibid.

[11] Ibid.

[12] La révolution Blockchain - Sébastien Drillon - RTD com. 2016. 893

VINCENT DE PAUL ADAI 

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