
LA PROTECTION DIPLOMATIQUE DES SOCIETES

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LA PROTECTION DIPLOMATIQUE DES SOCIETES
La protection diplomatique est définie comme l'« action par laquelle un État décide d'endosser, de prendre à son compte la réclamation d'un de ses nationaux contre un autre État et de porter par là le litige sur le plan international, par voie diplomatique ou juridictionnelle »[1]. De par cette définition nous pouvons voir apparaître deux types de protection diplomatique, la protection diplomatique non contentieuse, d'une part, exercée surtout par les agents diplomatiques; et la protection diplomatique contentieuse d'autre part.
« En matière d'investissement, la protection diplomatique peut être envisagée comme un mécanisme de couverture des risques, ou d'encouragement des investissements. Elle serait ainsi la contrepartie acceptée par les pays en développement pour recevoir des investissements étrangers »[2]. La protection des investissements suppose une protection des acteurs économiques (des acteurs publics ou privés). L'objet de notre analyse est de nous focaliser sur les acteurs privés notamment les sociétés.
Quels sont les critères permettant l'exercice de la protection diplomatique d'une société?
« La protection diplomatique de la société incombe à l'État dont elle a la nationalité. Ce problème ne s'est pas posé en jurisprudence française, mais il a donné lieu à deux décisions de la Cour internationale de justice de La Haye. Ayant eu à déterminer l'État dont la société était ressortissante, la Cour internationale s'est interrogée sur les critères de nationalité »[3]. Le premier critère est d'abord un critère de nationalité, le deuxième critère est celui de l'épuisement des voies de recours[4]. Il existe par ailleurs aujourd'hui la possibilité pour les Etats de s'affranchir de cette protection diplomatique via des actions directes contre les Etats.
I. LES CRITERES DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE DES SOCIETES
Dans la protection diplomatique des sociétés, il faut 2 critères à savoir : le critère de la nationalité (A) et celui de l'épuisement préalable des voies de recours (B).
A. LA DETERMINATION DE LA NATIONALITE D'UNE SOCIETE
Déterminer la nationalité d'une société dans un contexte international n'est pas une chose aisé. En effet, il existe des critères divergents. L'un des critères qui pourrait être utilisé pour identifier cette nationalité est le critère dit de l'« incorporation », l'endroit où la société est enregistrée notamment dans les pays anglo-saxons ; En droit français, ce n'est pas le critère de l'« incorporation » qui est utilisé, mais celui du siège social : une société est de la nationalité du pays dans lequel elle a établi son siège social. La nationalité des sociétés est aussi l'une des questions qui n'a pas été traitée par l'Acte uniforme (OHADA), il convient de se référer au droit interne des États parties.
C'est en raison de ces multiples divergences que :
« Poursuivant l'examen du rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-cinquième session, la Sixième Commission (Commission juridique) a mis l'accent...sur la protection diplomatique. Les délégations se sont prononcées notamment sur la pertinence du critère retenu pour déterminer la nationalité d'une société, à savoir celui de l'immatriculation, et qui habilitera un Etat à exercer sa protection diplomatique à l'égard de la société. De l'avis de la délégation du Royaume-Uni, ce critère a l'avantage d'être utilisé aisément alors que la France propose plutôt de retenir deux critères cumulatifs, celui de l'immatriculation et celui du siège social, afin de limiter notamment la création de sociétés dans des paradis fiscaux »[5].
Face à ces différence de traitement sur la question de la nationalité, le droit international admet que les sociétés dans la sphère internationale ont la nationalité qu'elles ont acquise conformément à la législation nationale.
B. L'EPUISEMENT PREALABLE DES VOIES DE RECOURS
La mise en œuvre de la protection diplomatique des sociétés est subordonnée à l'épuisement préalable des voies de recours. « C'est là une règle coutumière du droit international public. On l'applique généralement dans le cadre de la responsabilité des Etats. La doctrine est unanime à en reconnaître l'existence. Les conclusions de la Cour internationale de Justice dans l'affaire de YInterhandel en soulignaient encore récemment le relief »[6].
Toutefois, l'on peut noter une tentative internationale visant à déterminer des exceptions à cette condition à savoir l'épuisement préalable des voies de recours. La Commission du droit international de l'assemblée générale des nations unis avait soumis un projet d'article allant dans ce sens.
« En effet, le projet d'article dispose que le principe ne s'applique pas lorsque les recours internes n'offrent aucune possibilité raisonnable d'obtenir une mesure de réparation efficace, lorsque l'administration du recours subit des retards liés à l'Etat présumé responsable, lorsqu'il n'existe pas de lien pertinent entre la personne lésée et l'Etat présumé ou lorsque les circonstances font qu'il est déraisonnable de vouloir les épuiser, et enfin lorsque l'Etat présumé responsable a renoncé à ce que les voies de recours internes soient épuisées. Ainsi, les délégations ont dans l'ensemble exprimé leurs doutes quant à la pertinence de cette règle et ses fondements en droit international coutumier. Ainsi, les Etats-Unis ont souligné que la définition proposée par la Commission du droit international ne permettait qu'un recours très restrictif aux moyens disponibles sur le plan interne alors que le droit international coutumier fait référence à tous les recours. Pour sa part, la France a soutenu que seule l'existence de difficultés extraordinaires devrait permettre de s'écarter du principe de l'épuisement des voies de recours internes. Cette disposition, a estimé la Chine, a un libellé trop vaste qui risque d'ouvrir la voie à une extension abusive de l'exception »[7].
II. LES POSSIBILITE
A. LES ACTIONS ETATIQUES
- L'action en protection diplomatique : l'Etat actionne son propre doit et demande la réparation du dommage qu'il a subi d'une atteinte porté à ses nationaux (personnes physiques ou morales). Le fondement de l'action est la violation des règles internationales (exemples : traités) dans la personne de son ressortissant (arrêt Nottebohn, arrêt Barcelona traction, arrêt « LaGrande »).
- L'action en représentation: L'Etat fait valoir ici, l'action des personnes (physiques ou morales).
L'action directe d'Etat
B. LES ACTIONS DIRECTES DES SOCIETES
A côté des actions étatiques possibles, il existe diverses actions directes propres aux sociétés. Ces actions tirent leur source soit de la loi (code des investissements), des accords de libre échanges, des traités internationaux comme notamment la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats (Convention CIRDI) Convention BIRD du 18 mars 1965). Les sociétés peuvent même aujourd'hui attraire des Etats devant des juridictions arbitrales (la CIRDI et la CNUDCI par exemple). En effet, La Convention de Washington de 1965 relative au règlement des différends relatifs à l'investissement donne la possibilité de substituer à la protection diplomatique de l'État la saisine d'un tribunal arbitral pour les différends relatifs aux Investissements. On constate depuis cette convention une certaine tendance au recul du recours à la protection diplomatique.
Vincent de Paul ADAI.
REFERENCES
[1] Gérard Cornu (dir.), Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Vocabulaire juridique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige » (no 309), 4e édition mise à jour, 2003 (ISBN 2-13-053703-0).
[2] DOJ (doc du juriste), la protection diplomatique des sociétés en droit international, [en ligne], disponible sur : https://www.doc-du-juriste.com/droit-public-et-international/droit-international/dissertation/protection-diplomatique-societes-droit-international-450945.html.
[3] Michel MENJUCQ, « Droit international des sociétés - Nationalité des sociétés », Répertoire des sociétés, Janvier 2019.
[4] Jean GUINAND, « la règle de l'épuisement des voies de recours internes dans le cadre des systèmes internationaux de protection des droits de l'homme », [en ligne], disponible sur : https://rbdi.bruylant.be/public/modele/rbdi/content/files/RBDI%201968/RBDI%201968%20-%202/Etudes/RBDI%201968.2%20-%20pp.%20471%20%C3%A0%20484%20-%20Jean%20Guinand.pdf.
[5] Commission du droit international de l'assemblée générale des nations unis (SIXIÈME COMMISSION), « les exceptions au principe de l'épuisement des recours internes ne devraient pas encourager un exercice abusif de la protection diplomatique », [en ligne], disponible : https://www.un.org/press/fr/2003/AGJ405.doc.htm, AG/J/405, 30 OCTOBRE 2003.
[6] Jean GUINAND, Ibid.
[7] Commission du droit international de l'assemblée générale des nations unis (SIXIÈME COMMISSION), « les exceptions au principe de l'épuisement des recours internes ne devraient pas encourager un exercice abusif de la protection diplomatique », [en ligne], disponible : https://www.un.org/press/fr/2003/AGJ405.doc.htm , AG/J/405, 30 OCTOBRE 2003.