FIN D’UNE COLOCATION A L’AFRICAINE

Je reçu ce matin-là un appel inattendu, celui d'une université qui me demanda d'intégrer leur formation. Je raccrochai le téléphone et me mis à cogiter à cette éventualité.
Soudain ! ma pensée se tourna vers mes colocatrices. Alors je me demandai ce qu'elles pouvaient bien venir chercher dans mon esprit à ce moment précis.
Je cherchai des réponses et je me souvins qu'Edlyne devait bientôt nous quitter. Était-ce la nostalgie de son départ qui me fit revivre en esprit mes moments de collocation ?
Nous étions quatre colocataires.
Edlyne était une jeune camerounaise, au premier abord calme, une silhouette qui laissait penser qu'elle aurait pu remporter n'importe quel concours de beauté, un teint lumineux, un sourire enchanteur avec un regard envoûtant. Surnommé la Barbie de la maison, elle avait un charme insolant. Elle était la dernière arrivée mais aujourd'hui la première à partir.
Comme quoi, me revenait en mémoire la parole du Christ en ces circonstances précises, « les premiers seront les derniers ».
Et oui ! Aujourd'hui la dernière arrivée fut la première à partir.
Je me dis intérieurement que cette parole était probablement vrai et s'accomplissait en cette circonstance, car Fabricia, l'avant dernière à arriver, était quant à elle, la suivante à partir, elle avait à son tour scellé son départ de la ville.
Le classement des habitants au départ était l'inverse du classement des habitants à l'arrivée.
Etais je le prochain à partir ? bref !
Fabricia était Gabonaise, peut être celle dont j'étais le plus proche. Elle avait des formes généreuses avec un visage angélique qui fit tombé plus d'un. Beaucoup sont ceux qui s'y frottaient et s'y piquaient malgré toute leur bonne volonté, car madame n'était pas un cœur à prendre., elle avait des principes et forçait l'admiration. Timide au départ je réussis quand bien que mal à la sortie de cette pusillanimité par des discussions polémiques, le plus souvent sur des questions africaines.
Quant à Frésia, ma congolaise, elle était la première à avoir aménagé dans la maison et se comportait comme la mère des lieux. Elle était naturellement gracieuse, apportait la joie et la lumière là où elle se posait. Elle était une ambianceuse hors pair, peut-être tirait-elle cela de ses terres, le Congo et surtout de sa ville, Pointe Noir connue pour ses musiques dansantes et la festivité de sa jeunesse.
Quant à moi l'ivoirien j'essayais d'apporter ma petite touche masculine à ce groupe qui deviendra au fil du temps une véritable famille à l'africaine.
Vous l'aurez compris nous étions tous des enfants d'Afrique, une collocation à l'africaine !
C'était notre première année en France, loin de nos parents, de nos amis. Je me souvins que j'appréhendais cette vie de colocation. A l'époque j'avais mille et une questions en tête.
Avec qui allais je vivre ? Ces personnes étaient-elles de bonnes moralités ? comment serait ce notre vie commune ?
Au départ nous étions tous dans notre tanière, personne ne voulant faire le premier pas vers les autres mais le temps fini par nous rapprocher.
Frésia était la personne en qui tous nous nous rassemblions, la daronne de la maison, c'est d'ailleurs d'elle que vint l'idée de l'organisation de notre première soirée apéro au sein de notre appartement, quelle soirée magnifique !
Plusieurs étudiants avaient fait le déplacement, je me souvins que ce soir-là, l'instant d'une nuit, l'alcool avait coulé à flot, l'on aurait dit que l'ambiance de la rue princesse d'Abidjan fut déportée à cet endroit, ou encore l'appartement se serait transformé en une boite de nuit de Pointe Noir ou de Douala au Cameroun.
L'on pouvait voir certains se trémousser sur la musique de Fally Ipupa, d'autres déhancher sur les nouveaux concepts du coupé décalé et de l'afro trap...
Cette soirée, nous avaient tous permis de mieux nous intégrer auprès des autres étudiants Africains !
Je crois d'ailleurs qu'elle nous rapprocha d'avantage car il 'sen suivi d'autres soirées entre nous ou avec des amis.
Je me souvins avec le sourire aux lèvres, de nos soirées pyjama, avec la projection de film d'horreur. Ah Edlyne ! la plus peureuse de tous ! elle avait du mal à terminer les films de peur de se retrouver seule dans sa chambre et revivre les événements du film. Sacré Edlyne ! qui pensait toujours plus loin ! là où tous pensaient tout près !
Cette colocation à l'africaine, devenait une chance pour nous. Une chance car elles nous permettaient de découvrir la culture des autres. Je connu un peu mieux le Gabon et son histoire grâce à Fabricia, Frésia me parla du Congo Brazzaville et de ses soirées endiablées dans sa ville de Pointe Noir, Edlyne me fit gouter pour la première fois le N'dolé, ce succulent plat camerounais.
Désormais, la méfiance avait laissé place à la folie. Oui la folie Africaine ! avec nos délires à n'en point finir ! nous finirent par représenter ce que l'Afrique ambitionnait de devenir, une Afrique sans frontière, ou tous ses enfants se rassembleraient et se reconnaîtraient en un seul peuple. Notre maison en était une, car nous formions une et même famille ! oubliant nos nationalités et mélangeant nos cultures ! Quelle expérience fabuleuse d'une colocation à l'Africaine, l'instant d'une année !
Hélas ! comme le dit certains, toutes les bonnes choses ont une fin, et L'achèvement de notre année d'étude, sonna comme l'épilogue de notre aventure commune à l'africaine.
Désormais chacun allait tracer sa route et recommencer peut-être, une nouvelle aventure, espérant peut-être revivre, mieux que la précédente, une colocation à l'africaine.
Soudain je me rappelai, que j'avais une réponse à donner à cette université, me revoilà gambergeant à nouveau. Devrais-je à mon tour à l'instar de mes colocatrices quitter cette ville ?
Vincent de Paul Adai.